Pourquoi demander une augmentation de salaire ?
Demander une augmentation, ce n’est pas seulement une question d’argent. C’est souvent un signal. Le signe que l’on se sent légitime, que l’on a pris du recul sur sa place dans l’entreprise, et que l’on souhaite faire évoluer la relation professionnelle. Au Maroc, comme ailleurs, cette démarche reste sensible. Mais bien préparée, elle peut être perçue comme un signe de maturité, pas d’insatisfaction.
Reconnaître la valeur de son travail
Avant toute chose, il faut poser un regard objectif sur son parcours. Avez-vous dépassé vos objectifs ? Pris en charge de nouvelles missions ? Formé de nouveaux collaborateurs ? Ce sont autant d’éléments concrets qui renforcent la crédibilité de votre demande.
Prenons un exemple : un chef de projet qui, en plus de ses projets habituels, a géré la relation avec un client stratégique pendant six mois. Il n’a pas changé de poste, mais ses responsabilités ont clairement évolué. Dans ce cas, la valeur créée va au-delà de la fiche de poste initiale. Et c’est là que se construit l’argumentaire.
Contexte économique et coût de la vie au Maroc
Ce point revient souvent dans les discussions salariales, et à juste titre. Le coût de la vie a fortement évolué ces dernières années au Maroc. Logement, transport, alimentation… les hausses successives pèsent sur le quotidien, en particulier dans les grandes villes comme Casablanca ou Rabat.
Mais attention à ne pas s’en servir comme seul argument. Un employeur ne basera pas une décision sur un contexte macro-économique. Par contre, l’intégrer comme toile de fond peut renforcer un dossier, surtout si l’entreprise a elle-même procédé à des ajustements sur d’autres postes ou dans d’autres filiales.
L’évolution naturelle de la rémunération dans une entreprise
Dans de nombreuses structures, la rémunération est pensée pour évoluer. Pas toujours rapidement, et rarement automatiquement. Mais une révision régulière fait partie d’un cycle sain de gestion des talents.
Au Maroc, certaines entreprises prévoient des revues salariales annuelles, avec des enveloppes budgétaires dédiées. D’autres fonctionnent davantage à la performance individuelle ou aux opportunités de réorganisation. Dans tous les cas, le statu quo n’est pas une fatalité. Encore faut-il savoir quand et comment relancer le sujet.
Se préparer à la négociation
Avant même d’envisager une discussion avec sa direction, il faut passer par une étape clé : la préparation. Une négociation salariale ne se joue pas uniquement sur la confiance ou la loyauté, mais sur des éléments concrets, vérifiables, et surtout bien présentés. C’est cette rigueur en amont qui fait souvent toute la différence.
Évaluer objectivement ses performances
Premier réflexe : faire le point sur ce que vous avez réellement apporté à l’entreprise. Pas seulement les missions accomplies, mais les résultats. Avez-vous contribué à une hausse de chiffre d’affaires ? Réduit les délais de traitement ? Amélioré un process ?
Par exemple, un responsable administratif qui a revu l’organisation des dossiers fournisseurs et permis de réduire les délais de paiement de 30 %, c’est un impact direct sur la trésorerie. Ce genre de résultat parle plus qu’une simple fiche de poste.
Concrètement, il faut documenter ces éléments : rapports, KPIs, feedbacks clients ou internes. Cela évite les jugements trop flous du type « je pense avoir bien travaillé ».
Connaître les niveaux de salaires dans son secteur
Demander une augmentation sans savoir ce que vaut réellement son poste sur le marché, c’est prendre un risque. Au Maroc, les écarts peuvent être importants selon la taille de l’entreprise, la région, ou encore le secteur d’activité.
Des outils existent : études de rémunération (comme celles publiées par Michael Page ou ReKrute), discussions informelles avec des confrères, ou encore les offres d’emploi pour des postes similaires. Il ne s’agit pas d’aligner sa demande sur les extrêmes, mais d’avoir une fourchette cohérente à présenter.
Et surtout, éviter les comparaisons internes du style « mon collègue gagne plus que moi ». L’enjeu, c’est la justesse par rapport au marché, pas la jalousie.
Choisir le bon moment pour faire sa demande
Le timing compte autant que le fond. Arriver en pleine période de clôture comptable ou après un trimestre difficile peut plomber la discussion. À l’inverse, une période post-projet réussi, un entretien annuel ou une réorganisation sont souvent propices à ce type d’échange.
Il est aussi utile d’observer le contexte interne. L’entreprise a-t-elle récemment ouvert des recrutements ? Y a-t-il eu des promotions dans d’autres équipes ? Ce sont parfois des signaux d’ouverture.
Une bonne demande, bien préparée, mais mal calée dans le temps, peut passer à côté de sa cible. La patience et l’observation restent des alliées discrètes mais précieuses.
Comment formuler sa demande ?
Une fois la décision prise et la préparation faite, reste l’étape la plus délicate : formuler sa demande de manière claire, professionnelle et constructive. Ce n’est ni une réclamation, ni un ultimatum. C’est un échange. Et la façon de l’aborder peut largement influencer la réponse.
Les arguments à mettre en avant
Un bon argumentaire repose sur deux piliers : la contribution concrète et la projection. Ce que vous avez apporté à l’entreprise jusqu’ici, et ce que vous êtes prêt à continuer à y apporter.
Plutôt que de dire « j’ai besoin d’une augmentation », il vaut mieux structurer son discours autour d’exemples précis. Par exemple :
« Depuis un an, j’ai pris en charge l’intégralité du reporting pour les filiales, ce qui a permis de fluidifier les échanges avec la direction. Je pense que cette évolution dans mes responsabilités justifie une revalorisation de mon salaire. »
Ce type de formulation montre de la lucidité, une posture proactive et une volonté de rester dans la durée. C’est exactement ce que les employeurs recherchent.
Les erreurs à éviter dans son discours
Il y en a plusieurs, mais certaines sont récurrentes :
-
Parler uniquement de ses besoins personnels (loyer, enfants, emprunt). C’est humain, mais hors sujet dans une logique RH.
-
Se comparer à ses collègues. Cela crée de la tension, sans renforcer votre position.
-
Menacer de partir si l’on n’obtient pas gain de cause. Une vraie négociation se fait dans un climat de confiance, pas de pression.
Autre point à surveiller : ne pas noyer sa demande dans un flot de justifications. Mieux vaut quelques arguments bien choisis que dix exemples flous.
Faut-il envoyer un mail ou en parler en face-à-face ?
Dans l’idéal, le face-à-face reste la meilleure option. Il permet d’inst
aurer un climat d’écoute, de répondre aux objections, et de montrer son engagement. C’est aussi un signe de maturité professionnelle.
Mais cela ne signifie pas qu’un mail est à proscrire. Il peut être utile pour initier la discussion. Par exemple, proposer un rendez-vous en mentionnant que vous souhaitez parler de votre évolution au sein de l’entreprise.
Ce qu’il faut éviter : faire sa demande par mail sans aucun échange oral. Le risque, c’est que le message passe à côté ou soit mal interprété. La négociation salariale reste, quoi qu’il arrive, un moment humain. Et c’est dans l’échange direct qu’elle se construit le mieux.
Que peut proposer l’employeur en dehors du salaire ?
Toutes les négociations n’aboutissent pas à une augmentation nette sur la fiche de paie. Et ce n’est pas toujours un échec. Certaines entreprises n’ont pas la marge budgétaire immédiate, mais cherchent malgré tout à reconnaître les efforts de leurs collaborateurs. Dans ce cas, d’autres leviers peuvent entrer en jeu.
Primes, avantages en nature, formations…
Une revalorisation peut aussi prendre la forme de primes exceptionnelles ou de bonus de performance, ponctuels mais concrets. C’est souvent le cas en fin d’année ou à l’issue d’un projet stratégique.
D’autres options existent : mise à disposition d’un véhicule de service, prise en charge d’un abonnement téléphonique, tickets restaurant, voire participation à un plan d’épargne entreprise si la structure en propose un.
Il ne faut pas non plus négliger la formation professionnelle. Obtenir une certification, accéder à un programme de montée en compétences, c’est un investissement sur votre avenir qui peut valoir bien plus qu’une simple augmentation immédiate.
Évolution de poste ou de responsabilités
Parfois, l’entreprise est ouverte à une évolution de périmètre avant de revoir le package salarial. Cela peut sembler frustrant, mais c’est aussi un signal de confiance. Et si cette évolution est bien cadrée, elle peut servir de tremplin vers une revalorisation plus conséquente à court terme.
Prenons un exemple : une chargée RH qui se voit confier la gestion complète du recrutement pour plusieurs sites. L’augmentation viendra peut-être dans six mois, mais le nouveau rôle ouvre la voie à une négociation future beaucoup plus solide.
Le tout, c’est que cette promesse soit formalisée, avec des objectifs clairs et un point de suivi à moyen terme.
Télétravail ou flexibilité horaire comme levier de motivation
Enfin, l’équilibre vie pro / vie perso devient un critère de plus en plus valorisé, surtout dans les grandes villes marocaines où les temps de transport pèsent lourd.
Si l’augmentation financière n’est pas possible, obtenir deux jours de télétravail par semaine ou des horaires aménagés peut représenter un gain concret en qualité de vie. Et cela peut aussi renforcer la motivation, donc la performance.
Ce type d’arrangement montre aussi que l’entreprise sait écouter et s’adapter. Et parfois, c’est ce petit ajustement, plus que le chiffre sur la fiche de paie, qui change vraiment le quotidien.
Et si la réponse est négative ?
On ne va pas se mentir, recevoir un refus après avoir préparé et formulé sa demande peut être difficile à encaisser. Surtout quand on est convaincu de la légitimité de sa démarche. Mais une réponse négative ne signifie pas que tout est perdu. Ce qui compte, c’est la suite. Et la manière dont on rebondit peut, elle aussi, jouer en votre faveur à moyen terme.
Demander un plan d’objectifs pour revalorisation future
Si l’employeur refuse une augmentation immédiate, il est tout à fait pertinent de proposer un plan d’objectifs clair. En d’autres termes : « Que dois-je atteindre pour qu’une revalorisation soit envisageable dans trois ou six mois ? »
Ce dialogue permet de poser un cadre constructif. On sort d’un non sec pour entrer dans une logique de progression mesurable. Par exemple : finaliser un projet, former un collaborateur, améliorer un indicateur précis… L’important, c’est que ce plan soit formalisé, daté, et revu ensemble à échéance.
Cela montre votre implication, votre ouverture à la discussion, et surtout votre professionnalisme.
Rester professionnel pour ne pas nuire à sa relation de travail
Même en cas de déception, il faut garder la tête froide. Réagir à chaud, se replier sur soi ou se désengager peut envoyer un mauvais signal, même si votre demande était légitime.
Continuer à travailler sérieusement, à collaborer avec ses collègues, à s’investir, c’est aussi une manière de montrer que votre motivation ne dépend pas uniquement d’un montant sur votre bulletin de paie.
Et ce comportement peut, à lui seul, peser dans la balance lors d’une prochaine discussion.
Réévaluer ses options (interne ou externe)
Enfin, si malgré plusieurs tentatives la situation reste figée, il peut être utile de faire un point global sur sa trajectoire. Est-ce que l’entreprise offre des perspectives d’évolution ? Est-ce que vos compétences sont reconnues ? Ou est-il temps d’explorer d’autres pistes ?
Cela ne signifie pas quitter son poste du jour au lendemain. Mais garder un œil sur le marché, se former, réseauter, ou même postuler à des opportunités internes peut redonner un cap.
Parfois, une négociation refusée devient le déclencheur d’une prise de recul salutaire. Et dans bien des cas, c’est le premier pas vers une nouvelle étape professionnelle, plus alignée avec vos attentes.